Invitation d'Herri Gourmelen à Lorient par l'association Vent d'ouest

Publié le par Groupe des élus UDB

Herri

VENT d' OUEST – Lorient le 30 août 2011

 

Constat partagé par l'ensemble de la gauche: L'accroissement des inégalités entre pauvres et riches, entre pays pauvres et pays riches, la misère, l'exclusion ( violences en GB, mobilisation en Grèce, en Espagne, en Italie ) sont la conséquence d'un marché livré à lui-même, de l'abandon de toute forme de régulation des flux financiers. Jusqu'au tournant des années 80, des systèmes de contrôle - certes imparfaits - ont réussi à contenir les tendances naturelles du capitalisme, mais depuis on a assisté à un hold-up d'abord sur l'économie marchande, puis sur les politiques publiques et la protection sociale. Ce ne sont plus les producteurs de richesses matérielles qui dirigent l'économie mais les spéculateurs à travers les banques.

 

La recette libérale pour faire face à la crise du système consiste à imposer des coupes claires dans les dépenses publiques en tentant de faire adopter une « règle d'or » constitutionnelle. C'est inacceptable et d'ailleurs irréalisable. La solution n'est pas dans l'inscription d'une telle règle dans la Constitution mais dans des politiques financière et économique nouvelles. Les réponses se trouvent pour une bonne part au niveau européen. L'union monétaire sans union politique, sans une politique économique et financière commune, sans une politique sociale commune – harmonisée sur la clause du mieux disant social – ç' est l'austérité généralisée. Il faut plus et non moins d' Europe pour trouver des solutions durables, garantissant les droits économiques et sociaux des citoyens et, pour éviter de nouvelles crises il faut réguler la finance, mais comment le faire si les capitaux sont libres de fuir à tout moment ? La BCE doit piloter le désendettement planifié des économies européennes.

 

Le niveau européen n'exonère pas l' Etat de ses responsabilités propres. Nous regarderons attentivement les programmes des candidats de gauche en matière d'emploi, de service public, de santé, d'éducation, de retraites, de fiscalité et de pouvoir d'achat. Nous connaissons les contraintes budgétaires mais nous savons aussi à quel point les richesses sont inégalement réparties, que les niches fiscales profitent à une minorité, que les grandes sociétés continuent de faire d'énormes bénéfices. Dire qu'il faut prendre l'argent là où il est, ce n'est pas faire du populisme, c'est énoncer un principe de bon-sens.

 

Mais la crise n'est pas que financière, économique, avec les conséquences sociales que l'on sait. Elle est aussi environnementale, écologique: pillage des ressources naturelles qui ne sont pas inépuisables, pillage des pays pauvres, petits paysans chassés de leur terres par l'agro-business voué à l'exportation, famines, pollutions, réchauffement climatique ... Comme l'écrivait JC Pierre, hier, dans une tribune libre d' Ouest-France: « La difficile transition de notre modèle de développement ne concerne pas que l'agriculture, mais le modèle agro-industriel ne conçoit la lutte contre les pollutions que sous la forme de solutions techniques toujours plus sophistiquées et coûteuses. Pourtant un récent rapport des Nations unies apporte la preuve que l'agroécologie est à même de nourrir 9 milliards d'humains sans altérer les sols, sans polluer l'eau, sans porter atteinte à la biodiversité, sans contribuer au dérèglement climatique ». Si j'insiste sur ce point c'est parce qu'il est essentiel en Bretagne. L'UDB n'a d'ailleurs pas voté la Nouvelle Alliance Agricole (NAA) de la majorité régionale, faute d'un signal clair en faveur d'un changement de modèle. Le changement de modèle passe aussi par l'autonomie énergétique des territoires et le développement des énergies renouvelables, ni nucléaire, ni centrale électrique au gaz !

 

La voie obligée d'une économie re-localisée, re-territorialisée, plus écologique, passe par la décentralisation, mieux encore, le fédéralisme. Je pense à ce qui se fait en Allemagne, en particulier à son réseau de PME à la fois ancrées dans un territoire et tournées vers l'export. Le fédéralisme ce n'est pas l'absence d' Etat, mais comme le dit l' ARF, ce dernier n'est plus le seul à même de promouvoir l'intérêt général, compte-tenu de la nécessaire diversité des réponses à apporter à des problèmes et des territoires eux-mêmes de plus en plus divers. Le service public peut être délivré, selon sa nature, soit à l'échelon national ou déconcentré, soit à l'échelle décentralisée, en l'occurrence les Régions .

 

Oui, mais en France, on est loin du compte, et les deux premières étapes de la décentralisation 1982-83, 2003-2004 ont fait l'objet d'une critique sévère mais juste de la part d'un farouche partisan de l' Etat, l'ancien président de la Cour des Comptes, Philippe Séguin. Son argumentaire: puisque que le législateur a décidé la décentralisation , il faut la faire, mais bien ! Or, dit-il dans sa présentation du Rapport de novembre 2009: « Ni la première ni la seconde phase de décentralisation n'ont été conduites de façon à clarifier la répartition des compétences. C'est que l'organisation gouvernementale n'a jamais été configurée pour piloter de façon spécifique, continue et ordonnée le processus de décentralisation ... La mise en oeuvre du droit à l'expérimentation (Acte II) apparaît très limitée... La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre collectivités territoriales, mais au lieu d'ajuster les dotations on a préféré sanctuariser les situations acquises et l'objectif de péréquation est resté secondaire ». La réforme des collectivités locales implique une véritable réforme de l' Etat, et c'est là que le bât blesse.

 

Au lieu d'un approfondissement de la décentralisation, d'une simplification institutionnelle et une clarification des compétences , la réforme Sarkozy, votée en 2010, opère un vaste mouvement de recentralisation. Il est significatif qu'on ait commencé par une réforme de la fiscalité locale qui réduit considérablement l'autonomie budgétaire et les capacités d'action des collectivités. La TP est remplacée par une « cotisation économique territoriale » dont les bases et taux sont fixés par l'Etat. La logique aurait voulu que l'on commence par définir l'organisation territoriale et les domaines de compétence, puis les moyens politiques et financiers nécessaires à chaque niveau et que l'on pose in fine la question de la fiscalité. La suppression de la cause de compétence générale vise également à encadrer plus étroitement les marges de manoeuvres des départements et plus encore de la Région. Ce même pouvoir central qui supprime la clause de compétence générale, impose par ailleurs aux Régions de financer des infrastructures déclarées d'intérêt général, comme la LGV ( 670 millions pour la Bretagne !)

 

Le pouvoir sarkozien allie libéralisme et centralisme. On vient d'en avoir un exemple aussi clair que choquant avec ce que nous réserve la réforme fiscale en préparation dans la loi de finances 2012. Pierick Massiot, VP aux finances de la Région Bretagne, a fait réaliser une étude chiffrée par le cabinet Ressources Consultants Finances. Je le cite: «  A partir de 2013, l'ensemble des régions métropolitaines apportera chaque année à l' Ile de France dont l'indicateur de richesse est supérieur de 45% à la moyenne, une partie des ressources remplaçant la TP, la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE). Ainsi en 2020, selon le niveau de croissance, l'apport supplémentaire se situera entre 128 et 354 millions d' euros au minimum chaque année. Pour la Région Bretagne le manque à gagner se situerait entre 24 et 57 millions chaque année. ». Bonjour la péréquation ! Cela pour financer les 35 milliards du Grand Paris ! Nouvelle définition de la solidarité qui consiste à faire payer les moins riches. Ce qui est vrai pour les individus est vrai pour les territoires.

 

La logique libérale se retrouve dans la création des métropoles qui est à nos yeux la mise en concurrence des territoires, la compétition sauvage entre les aires urbaines, au mépris des équilibres de développement à l'intérieur des Régions, au détriment de la qualité de vie, avec des conséquences sociales et écologiques désastreuses: foncier et immobilier inaccessibles aux revenus faibles et même moyens en ville, augmentation des gaz à effet de serre du fait de longues navettes domicile-travail, étalement urbain, mise à mal du maillage de villes petites et moyennes ... Pour nous l'objectif n'est pas de faire en plus petit dans chaque Région ce qu'on a fait en grand au niveau de l' Etat, un monstre avec une énorme tête et des membres rachitiques.

 

La décentralisation, destinée à rapprocher le pouvoir du citoyen,est une idée de gauche. Et ce à quoi nous assistons aujourd'hui c'est une contre-réforme. Et pourtant la démocratie française a bien besoin d'être rénovée, revitalisée. En effet, le désamour des citoyens , surtout des jeunes, vis à vis de la politique, du fait d'institutions qu'ils ne comprennent pas, du fait de la méfiance à l'égard d'élus dont ils ne perçoivent pas l'action, se traduit par une abstention grandissante et la montée des populismes.


Les Français plébiscitent la Région comme l'a montré le récent sondage de Vivavoice pour le compte de l' ARF. Quelque chiffres: 90% des personnes interrogées sont pour que la région ait des compétences nouvelles en matière de transports, 88% en matière d'emploi, 86% en matière d'emploi, 86% en matière de logement, 82% pour l'enseignement et la santé... La Région est perçue comme efficace et plus proche. C'est le niveau pertinent de projet au niveau français et européen. Regardons chez nos voisins. L'autonomie régionale n'est pas réservée aux autres. Nous sommes pour un système fédéral avec un territoire-pivot, la Région, fédéral et différenciéselon les régions (toutes n'ont pas les mêmes demandes, la Corse n'est pas la Région Centre), fédéral, différencié et solidaire(justice sociale et justice entre les territoires vont de pair). Nous sommes enfin pour en finir avec la dérive monarchique de la Vème République et rétablir la Parlement dans les prérogatives qui doivent être les siennes, au lieu d'être une chambre d'enregistrement. Bref, nous sommes pour une VI ème République parlementaire et fédérale.

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