Plénière d'octobre 2010: Pacte électrique breton

Publié le par Groupe des élus UDB

Guyonvarch -Christian- Com.R-gion[1]Conseil régional de Bretagne

séance plénière des 21 et 22 octobre 2010

 

sujet: « pacte électrique breton »

 

 

 

 

intervention de Christian Guyonvarc'h,

au nom du groupe « UDB, autonomie et écologie »

 


 

Monsieur le Président, chères/chers collègues,

 

La question énergétique est une question majeure de notre temps et elle le sera de plus en plus. Sans énergie, quasiment pas de production économique, pas d'accès non plus à des conditions de vie dignes pour tous. L'énergie fossile est aussi le premier facteur du dérèglement climatique global. Cette nouvelle contrainte universelle n'a pas de précédent dans l'histoire de l'humanité. Et face à cette obligation, les collectivités historiquement responsables des changements climatiques, et nous en sommes, ont évidemment le devoir de se montrer exemplaires.

 

Monsieur le Président, vous nous demandez, je cite, de vous « autoriser » à mettre au point avec RTE, l'Etat et certains de ses établissements publics le contenu définitif de ce que vous appelez un « pacte électrique breton ». Ici le choix du verbe « autoriser » pourrait prêter à sourire. En effet:

 

- vous nous demandez d'avaliser un document qui a été présenté à la presse le 24 septembre dernier mais qui n'a pas été transmis aux conseillers régionaux que nous sommes. Nous n'avons en main qu'un succédané de 5 pages.

 

- et ce document, ce qui est proprement incroyable, ne laisse à notre assemblée, élue au suffrage universel tout de même, aucune possibilité d'amendement. C'est un dont acte. C'est à prendre ou à laisser.

 

S'agissant tout de même de l'avenir énergétique de la Bretagne, nous déplorons que le Conseil régional soit traité comme une chambre d'enregistrement. Nous nous faisons une autre idée de la démocratie en Bretagne.

 

Ce déficit démocratique a été pointé du doigt lors des débats du CESER, notamment par Monsieur Jourden au nom de la CGT.

 

Monsieur le Président, vous coprésidez, au côté du représentant de l'Etat, la Conférence régionale de l'énergie. Si vous l'aviez voulu, les choses auraient donc pu se présenter autrement.

 

Vous nous demandez de nous rallier à votre, je cite, « triskell électrique ». Je reconnais bien là votre art de la communication. Le mot est joli, il en rappelle un autre, la « glaz économie ». Mais l'habillage ne fait pas le contenu. Et, en l'occurrence, le contenu est très inégal.

 

Je commencerai par ce qui nous agrée.

 

Vous pouvez compter sur notre soutien et plus encore, si vous le souhaitez, pour renforcer et accélérer le déploiement des moyens qui doivent être mis en oeuvre pour réduire les consommations électriques par une généralisation des mesures d'économie et d'amélioration de l'efficacité énergétique.

 

Vous pouvez compter sur notre soutien, si vous le souhaitez, pour renforcer et accélérer le déploiement des moyens qui permettront à la Bretagne de produire son énergie à partir de toutes les ressources locales et renouvelables disponibles. 

 

Même dans le cadre du troisième volet de votre triptyque vous pouvez compter sur notre soutien, si vous le souhaitez, pour développer les réseaux intelligents, le stockage et la cogénération.

 

Tout cela va dans le bon sens, tout cela a besoin d'être mis en oeuvre maintenant en mobilisant toutes les ressources publiques ou privées disponibles.

 

En revanche, Monsieur le Président, vous nous trouverez en opposition au projet de construction d'une centrale électrique au gaz naturel dans le pays de Brest ou ailleurs, non seulement parce que ce projet ne répond pas à l'objectif d'une autonomie énergétique de la Bretagne mais aussi parce qu'il ne peut que détourner les capacités financières de la puissance publique et celles du secteur privé des objectifs que vous affichez dans les deux premiers volets de votre « pacte électrique ».

 

Nous n'avons pas moins que vous le sens des responsabilités. Nous sommes conscients que la politique irresponsable de l'Etat, d'EDF et de certains bailleurs sociaux en faveur du chauffage électrique – et cette politique que nous avons toujours combattue est encore d'actualité -  a conduit à des situations de consommation de pointe en période hivernale.  Nous le savons. Simplement, en 2010 décider de construire une centrale thermique alimentée (et c'est bien là le problème) par une énergie fossile qui va se raréfier et dont le prix, aligné sur celui des produits pétroliers, sans jeu de mot va flamber, une énergie que la France importe à près de 97% (1), décider de faire cela aujourd'hui c'est aller à l'encontre de la durabilité. Des centrales thermiques durables, intelligentes, c'est possible et ça existe, mais ça suppose qu'elles soient alimentées par une ressource disponible sur le territoire, une ressource renouvelable et dont le bilan environnemental permet de réduire l'empreinte écologique de la collectivité. C'est pourquoi nous souhaitons par exemple que la Bretagne se dote d'un réseau décentralisé de petites chaufferies collectives au bois qui pourraient offrir un débouché à certains coproduits ou résidus industriels, donner une valeur économique au bocage et créer des emplois non délocalisables.

 

Il faut développer l'autonomie énergétique et sécuriser l'approvisionnement électrique de la Bretagne nous dit-on dans ce document; et l'on voudrait nous convaincre que le gaz naturel est un des moyens d'y parvenir. La Commission européenne a mené une étude prospective sur la dépendance énergétique de l'Union. L'assemblée nationale s'est appuyée sur cette étude pour produire un rapport d'information en 2009. Cette étude indique que le taux de dépendance de l'Union dans le secteur du gaz naturel, qui se situait à 49% en 2000, est déjà montée à 61% aujourd'hui et passerait à 80% en 2020 puis 83% en 2030 (2).

 

Savez-vous, chères/chers collègues, que l'Algérie, qui assure aujourd'hui 24% de l'approvisionnement en gaz naturel de la France, envisage de réduire ses exportations à partir de 2014 en raison d'une forte augmentation de sa demande interne (3)? Et s'agissant de la Russie (dont la France dépend à 28%), je n'ai pas besoin de vous rappeler qu'elle a récemment menacé de suspendre l'approvisionnement de l'Union européenne dans le but d'imposer à l'Ukraine le maintien de ses forces navales à Sébastopol. Voilà ce à quoi l'on nous demande de conditionner l'approvisionnement électrique de l'ouest de la Bretagne. Nous ne voulons pas jouer à la roulette russe.

 

Quant à l'argument économique avancé par les soutiens du projet, Medef et chambres de commerce et d'industrie en tête, il laisse pantois. J'ai rappelé que le coût du gaz allait continuer d'augmenter bien plus vite que l'inflation. Mais, même sur la base de son prix actuel, produire de l'électricité à partir du gaz naturel dans des centrales à cycle combiné revient de 2 à 2,5 fois plus cher que d'utiliser le gaz comme énergie primaire. Ce sont les 350 professionnels de l'énergie réunis dans l'association Négawatt qui nous le disent (4). Quel gâchis! Pense-t-on vraiment que c'est de cette façon qu'on limitera les charges de production non salariales des entreprises bretonnes? Pense-t-on vraiment que c'est de cette façon qu'on jugulera le budget énergétique des ménages?

 

Il n'est pas vrai que ce projet de centrale électrique au gaz se situe dans une problématique spécifique de traitement des consommations de pointe à l'ouest de la Bretagne. Depuis plusieurs années les projets de ce type se multiplient un peu partout en France. En 2009 RTE lui-même déclarait que l'ensemble des demandes de raccordement effectuées pour l'installation en France de centrales à cycle combiné au gaz  représentait une puissance totale de 16 000 MW, 35 fois celle du projet de Guipavas. Cette inflation de projets s'inscrit dans un contexte de privatisation qui voit au moins 7 opérateurs se disputer le marché français de l'électricité: EDF, GDF-Suez, Poweo, Snet-Eon, Atel, Iberdrola, Direct Energie. Tous ont intérêt à ce que le marché grossisse, donc à gonfler la demande pour absorber une offre supplémentaire. Plusieurs  projets ont déjà abouti depuis 2006. Si les autres se réalisent la conséquence sera double. D'abord une forte incitation à l'ébriété énergétique plutôt qu'à la sobriété (il faudra bien satisfaire les actionnaires). J'en veux pour preuve que EDF a attaqué l'entreprise Voltalis et ses équipements permettant de réduire la consommation devant l'Autorité de Régulation de l'Electricité afin d'obtenir un dédommagement. Deuxième conséquence des centrales au gaz: une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Je ne m'attarderai pas sur celles d'une centrale de 450 MW mais tout de même: quelque 3 900 tonnes de C0² par jour, soit l'équivalent de 550 000 véhicules légers effectuant 40 km. Et le tout à quelques encablures du centre ClimSAT. Quel symbole désastreux!

 

L'autonomie et la sécurisation énergétiques de la Bretagne s'obtiendront autrement. Elles supposent un bouquet énergétique de proximité. A cet égard la communauté de communes du Mené nous montre la voie à suivre. En moyenne 15% de la production électrique est perdue dans le transport et plus la distance est grande plus les pertes en ligne sont fortes. C'est pourquoi nous voulons que soit reversé au débat le projet de construction d'une ligne de 225 000 volts entre Lorient et Saint-Brieuc qui risque fort d'encourager la concentration plutôt que les projets de proximité.

 

Nous souhaitons que la définition d'une politique énergétique pour la Bretagne puisse faire l'objet d'un large consensus dans la population car c'est une des conditions de la conversion écologique et sociale de notre système de production et de nos comportements. Mais ce consensus suppose un vrai débat public avec les Bretons, à la fois global et décentralisé, un débat public qui fait hélas défaut. Etes-vous prêt, Monsieur le Président, à réunir les conditions d'un tel débat?

 

Etes-vous disposé à retirer du document que vous nous soumettez le projet d'une centrale électrique au gaz et à remettre en discussion le projet d'une ligne de 225 000 volts entre Lorient et Saint-Brieuc?

 

A défaut d'une réponse positive à ces questions, vous ne nous laisseriez pas d'autre choix que de vous refuser l'autorisation que vous sollicitez.

 

 

(1) http://www.industrie.gouv.fr/debat_energie/campus/carte_gaz.php

 

(2) http://www.assemblee-nationale.fr/13/europe/rap-info/i1655.asp#P139_14303

 

(3) http://www.algerie360.com/algerie/la-france-privee-de-gaz-algerien-dans-quelques-annees/                                                                                                                                        

 

(4) http://www.negawatt.org/telechargement/PointeElec/nW%20Pointe%20elec%20Dossier%20de%20presse%20011209.pdf

(lire page 14 du document)

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